DULF face à la justice : défendre la vie plutôt que criminaliser la prévention

DULF face à la justice : défendre la vie plutôt que criminaliser la prévention

La saga judiciaire entourant le Drug User Liberation Front (DULF) entre dans une nouvelle phase décisive. Après avoir été reconnu·es coupables de trafic de substances en novembre dernier, Eris Nyx et Jeremy Kalicum, cofondateur·rice·s du DULF, contestent désormais la constitutionnalité de la loi fédérale qui criminalise la possession de substances à des fins de trafic.

Depuis lundi, la Cour suprême de la Colombie-Britannique entend leurs arguments, dans une affaire qui pourrait redéfinir les politiques canadiennes en matière de substances en pleine crise des surdoses.


Une loi qui met en danger les personnes qu’elle prétend protéger

La défense soutient que la section de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (LRCDAS) utilisée contre elleux est inconstitutionnelle, car elle empêche la mise en place d’alternatives sécuritaires au marché noir.

Selon Eris Nyx et Jeremy Kalicum, criminaliser l’approvisionnement sécuritaire oblige les personnes qui consomment à se tourner vers des substances contaminées, imprévisibles et mortelles, exacerbant la crise actuelle.

Leur condamnation est suspendue le temps que la Cour se penche sur cette contestation, une étape que plusieurs expert·e·s jugent historique.


Un projet communautaire porté par la compassion mais criminalisé

De 2022 à 2023, le DULF opérait un club de compassion : un modèle communautaire d’approvisionnement sécuritaire.
L’organisme achetait des substances sur le web clandestin, les faisait tester par des laboratoires universitaires, les emballait clairement (cocaïne, héroïne, méthamphétamine) et les distribuait à ses membres.

Les données recueillies étaient sans équivoque :

  • 0 décès durant l’année d’opération ;

  • une diminution des surdoses nécessitant de la naloxone de près de deux tiers ;

  • 2 décès parmi les membres après la fermeture forcée du programme.

Cette initiative avait été conçue pour sauver des vies, non pour encourager la consommation et pourtant, elle est aujourd’hui poursuivie.

Image tirée de la campagne de dons du DULF, visant à recueillir de l’aide pour couvrir les frais de justice liés au procès. Source : cagnotte Zeffy du DULF.


Des expert·e·s appuient l’approche du DULF

Jean-Sébastien Fallu, professeur et chercheur en dépendances, rappelle que l’approvisionnement sécuritaire peut être une question de vie ou de mort :

« La question de l’approvisionnement est la première chose à adresser pour lutter contre la crise des surdoses. »

D’autres expert·e·s, dont Garth Mullins, militants et personnes utilisatrices de substances, dénoncent une criminalisation de la compassion, alors que la crise continue de tuer à un rythme sans précédent.


Des motivations personnelles qui révèlent l’urgence

À la barre, Jeremy Kalicum a expliqué ce qui l’a poussé à s’engager : les multiples surdoses vécues par son propre frère. Son travail auprès d’Insite, premier site de consommation supervisée en Amérique du Nord, l’a confronté à l’ampleur de la crise :

« C’était particulièrement dur d’intervenir sur une dizaine de surdoses à Insite tous les jours, et de voir en rentrant chez moi le soir des cadavres dans les ruelles. »

Ces témoignages replacent l’affaire dans son véritable contexte : un effort de santé publique né d’un besoin vital.


Un cadre légal incohérent

La juge Catherine Murray, dans le premier procès, avait déjà exprimé des doutes sur la cohérence du dossier de la Couronne.
Santé Canada avait autorisé le DULF à tester et emballer des substances, tout en leur interdisant de les obtenir ou de les distribue, rendant impossible tout approvisionnement sécuritaire réel.

Malgré la reconnaissance initiale du projet par la police de Vancouver, le gouvernement provincial a ordonné en 2023 la fin immédiate du financement du DULF. Le premier ministre David Eby a réaffirmé cette position cette semaine, insistant sur le respect strict de la loi.


Quand criminaliser la compassion alimente la crise

L’alerte récente du CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal sur la cychlorphine, un opioïde de synthèse difficile à détecter et associé à de nouvelles surdoses, illustre tragiquement le paradoxe de la politique canadienne.

 

Tant que la réglementation autour de l’approvisionnement sécuritaire reste floue ou impossible à appliquer pour les organismes communautaires, la réponse à la crise sera inévitablement la même : augmentation des surdoses, circulation de substances toxiques sur le marché illicite et pertes de vies évitables.

En criminalisant les initiatives qui démontrent pourtant leur efficacité, le gouvernement se transforme en obstacle direct à la santé publique.


Un procès qui pourrait changer l’histoire

Au-delà du sort d’Eris Nyx et de Jeremy Kalicum, ce procès pose une question fondamentale :
peut-on continuer à criminaliser des initiatives qui ont prouvé leur capacité à prévenir des décès ?

La contestation constitutionnelle pourrait mener à une relecture du cadre légal canadien et ouvrir la porte à une réforme profonde des politiques en matière de substances.

Dans un contexte où les décès par surdose atteignent des records, où les substances illicites sont plus imprévisibles que jamais et où des solutions comme le DULF démontrent leur efficacité, la décision de la Cour suprême de la Colombie-Britannique aura des répercussions majeures.


Soutenir DULF, c’est défendre la vie

Face à ce procès injuste et au manque criant de soutien gouvernemental, DULF a besoin de la solidarité du public. Vous pouvez soutenir leur fonds juridique pour contribuer à leur défense et à la poursuite de leur mission : sauver des vies.

Soutenir DULF

Faites un don via E-Transfers ou PayPal:
Send funds to: druguserliberationfront@gmail.com


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