La mise en œuvre de la loi 2 inquiète de nombreuses personnes professionnelles du milieu de la santé, notamment celles et ceux travaillant en dépendance. Comme le soulignaient récemment la Dre Marie-Ève Morin et la Dre Emmanuelle Huchet dans Le Devoir, la nouvelle réglementation pourrait mettre en péril l’accès à des soins adaptés pour des patient·e·s déjà marginalisé·es et vulnérables.
« Ils vont mourir d’une overdose, ils vont rechuter », alerte la Dre Morin.
La Dre Huchet insiste : cette loi met directement en danger les personnes les plus vulnérables. Les deux médecins expliquent que la loi exige qu’elles voient beaucoup plus de patient·e·s pour maintenir leur salaire, mais dans la réalité, il est impossible d’offrir des soins de qualité quand une consultation ne dure que dix minutes.
Une menace pour les soins sur mesure et la prise en charge des problématiques concomitantes
À l’AIDQ, nous partageons ces inquiétudes. Notre expérience auprès des personnes consommatrices de substances démontre que chaque situation est unique : il est essentiel de pouvoir prendre le temps de comprendre le parcours, les vulnérabilités et les besoins médicaux de chaque personne.
Limiter ce temps, ou contraindre les équipes à prioriser la quantité de patient·e·s plutôt que la qualité du suivi, risque de fragmenter les soins et de compromettre la santé des populations les plus à risque.
« Améliorer l’accès aux services de santé nous rallie toutes et tous. Mais la manière d’y arriver compte tout autant. La Loi 2, par son manque de sensibilité, prive des personnes vulnérables du temps, de l’attention et de l’écoute dont iels ont besoin. Avec si peu de considération pour les professionnel·le·s concerné·e·s, les répercussions risquent d’être dommageables et contraires à la cohabitation souhaitée dans un autre projet de loi. Reprenez l’ouvrage» - Citation de Louis Letellier de St-Just, président de l’AIDQ et avocat spécialisé en droit de la santé.
La loi 2 soulève un paradoxe préoccupant : elle prétend améliorer l’accès aux soins tout en réduisant la capacité des professionnel·le·s à traiter les symptômes en concomitance et à offrir des soins personnalisés et adaptés. Dans un contexte où les crises de surdose continuent de sévir, il est impératif de maintenir des services sur mesure et de soutenir les équipes qui accompagnent ces patient·e·s au quotidien.
Des solutions à construire ensemble
Pour l’AIDQ, préserver la qualité des services passe par :
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La reconnaissance de la complexité des parcours des personnes consommatrices de substances et des vulnérabilités multiples qu’elles peuvent cumuler.
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La possibilité pour les professionnel·le·s de santé de passer du temps avec leurs patient·e·s afin d’évaluer l’ensemble de leurs besoins, de la dépendance aux autres problèmes de santé.
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Le développement de pratiques de soins adaptées, centrées sur la personne et intégrant des approches de réduction des méfaits et de soutien psychosocial.
Sans ces conditions, la loi 2 risque non seulement de réduire l’efficacité des services de santé pour les populations vulnérables, mais aussi d’accentuer la stigmatisation et l’exclusion de celles et ceux qui ont le plus besoin d’un suivi de qualité.
Pour aller plus loin :
- Le Devoir, 2025, « Des médecins en dépendance inquiètes pour leurs patients »
- Assemblée nationale du Québec : Projet de loi n° 2, Loi visant principalement à instaurer la responsabilité collective quant à l’amélioration de l’accès aux services médicaux et à assurer la continuité de la prestation de ces services

