J’ai longuement réfléchi à ce que je vous dirais aujourd’hui. J’ai pensé à revendiquer nos droits, comme chaque année. Je comptais insister sur le nombre de morts que la crise des surdoses a causé depuis ses débuts, mais pour être honnête, je suis épuisé.
Je suis épuisé d’attendre que le gouvernement mette fin à cette prohibition injuste. Je suis épuisé d’attendre la décriminalisation et la régulation de mes drogues de choix. Je suis épuisé de voir le nombre de morts grimper chaque jour. Je suis épuisé de lutter pour l'accroissement de l'accessibilité aux traitements pour la dépendance, en particulier à une époque où le marché des drogues est de plus en plus dangereux et imprévisible. Je suis épuisé que les organismes de réduction des méfaits manquent cruellement de financement, alors que leur travail est plus essentiel que jamais. Je suis épuisé, mais pas autant que mes collègues en première ligne, ceux qui affrontent les surdoses chaque jour, chaque nuit.
Finalement, je suis épuisé de ne jamais savoir si ma prochaine consommation sera ma dernière, alors que les solutions sont claires et que nous les exigeons depuis des années. Je suis épuisé, et je sais que je ne suis pas le seul.
Pourtant, personne ne nous écoute. Alors que les files à la SAQ et SQDC s’allongent, on nous demande encore d’aller nous approvisionner dans la rue, dans un marché non régulé, risqué et mortel. On nous dit que nos morts comptent, mais pas assez. On nous blâme, on dit que c’est de notre faute, qu’il suffirait d’arrêter de consommer. Pourtant, nous savons que l’addiction est un problème complexe, un problème de santé publique qui ne se résout pas d’un simple coup de baguette magique.
C’est pourquoi aujourd'hui, j’ai décidé de m'adresser de nouveau aux seules personnes qui m’écoutent : ma propre communauté. Je m’adresse donc à toi, qui consommes ou qui as consommé des drogues.
J’entends ta peine et tes cris de désespoir. Je partage ta douleur et ta colère. Ta force est plus grande que tous les obstacles qui se dressent sur ton chemin. Tu es brave et rempli de potentiel. Tu m’inspires. J’embrasse ton individualité. Ta consommation ne définit pas qui tu es. Ton addiction est valide et mérite d'être prise en charge comme tu le souhaites. Ta résilience me donne la force de continuer à me battre chaque jour. Tu mérites du bonheur et de l’amour inconditionnel. Tu mérites de consommer sans avoir peur de mourir
ou d'être blessé.
Ta drogue de choix n’est pas un problème. Tu n’as pas à avoir honte. Je suis fier de toi et de ton parcours de vie.
Chers consammateur·trice·s, je t’aime.